Montreurs de marmottes
Les montreurs de marmottes
DROUAIS François Hubert - Enfants jouant avec une marmotte - 18e siècle
Jadis l'apprivoisement de la marmotte des Alpes était courant, en particulier en Savoie. Les jeunes marmottes étaient capturées et dressées à donner un spectacle accompagnant les nombreux migrants saisonniers savoyards. Ceux-ci voyageaient dans toute la France, la Suisse romande et certaines autres parties de l'Europe. Ces marmottes étaient à la fois une source de revenu modeste et une compagne de voyage. C'est pour cette raison que les savoyards furent appelés Marmottes avec souvent une connotation péjorative.
Jusqu'à la fin du 19e siècle, la marmotte était exhibée sur les champs de foire au même titre que l'ours ou le singe. Le montreur de marmottes les faisait danser au son de sa flûte et c'était une distraction très prisée par jeunes et vieux. Cette relation entre l'homme et la marmotte fut immortalisée par Goethe qui écrivit le Chant de la marmotte, mis en musique par Beethoven. [Les Marmottes : Milieu naturel, vie sociale et hibernation par Jean-Pierre JOST]
Extrait du "Magasin Pittoresque" N°31 année 1842.
Giovanna et Andrea Giavelli de Ferriere (Argentera).
Témoignage de Giovanna Giavelli, de Ferriere, née en 1886, qui avait commencé sa carrière de montreuse de marmottes à l'âge de sept ans :
A l’automne, mon père allait creuser sous terre, il en extirpait les marmottes, trois ou quatre, et les mettait dans une petite caisse. J’étais la maîtresse des marmottes, je les éduquais à l’aide d’une baguette, je les faisais danser et siffler. Je les baptisais aussi, chaque marmotte avait un nom. Pour manger je leur donnais des pommes, des choux et du pain. C’est à coups de « ‘d bastunet » (baguette) que les marmottes dansaient, si j’appuyais plus fort elles se mettaient à siffler, car elles n’aimaient pas être frappées. Je faisais vite pour dresser les marmottes, à l’automne elles étaient déjà « ‘ndutrinà » (dressées). Alors, j’allais en France « a la sado », demander la charité. Mon père avait quarante ans, il portait sur son dos la petite charrette et la caisse des marmottes, en trois ou quatre jours à pieds, en passant par le col de Puriac, nous descendions à Saint Martin du Var, puis, enfin à Nice. Nous n’amenions pas une, mais plusieurs marmottes, pour le cas où l’une d’entre elle serait venue à mourir.
Une fois arrivés à Nice ou à Cannes, mon père cherchait du travail et nous, les enfants, nous allions de ça et de là, demander l’aumône. Moi et l’un de mes plus jeunes frères nous travaillions avec la marmotte. Elle dansait pendant que je chantais une chanson en français. Une chanson que j’avais moi-même composée :
Je vais entendre le coq ;
Les grands parents et ma mère ne veulent pas me marier,
Je veux prendre un homme qui sait travailler,
Travailler la vigne et s’occuper du pré.
La marmotte a mal aux pieds,
J’y fais mettre un emplâtre,
Ave de ci, ave de là,
La marmotte va s’échapper.
Des sous, on ne m’en donnait pas tant que ça, un sou ou deux. J’allais toujours à Cannes car, là, il y avait des messieurs, on les connaissait d’une année sur l’autre et, lorsqu’ils vous voyaient ils vous disaient : « Tiens, ceux des marmottes qui arrivent ». Les marmottes rousses étaient méchantes, les grises, au contraire, étaient gentilles. Une fois, une marmotte rousse m’a mordu la main. Un jour un commissaire de police a tué une de mes marmottes grise, mais cela ne lui a pas porté chance.
Eh ! Je gagnais peu. Moi, j’ai toujours réagi en pauvre, je ne pouvais pas devenir riche. Je gagnais deux cent lires par saison, mais pas tous les hivers, seulement lorsque ça allait. Nous allions demander la « sado » aux cuisines des hôtels, on nous donnait des croûtons de pain, on avait un prix au kilo. Nous achetions des têtes de moutons, une bonne quantité. Comment nous habillions-nous ? Mal, un peu de drap sur nous, du rêche, et les sabots aux pieds. Pourtant, nous les enfants, nous étions toujours joyeux, nous chantions tout le temps.
Extrait de "Il mondo dei vinti" de Nuto Revelli (Einaudi, 1977).
Cette jeune fillette jouant avec une marmotte était la fille de Monsieur Richaud, éditeur de cartes postales qui tenait un débit de tabacs à Barcelonnette. Certains anciens s'en souviennent encore et racontent qu'à l'époque il y avait aussi des marmottes dans le jardin de Berwick.
Dressage de marmottes par des militaires à La Condamine (août 1931)
Elle était aussi chassée pour la viande et pour la graisse.
"Le montreur de marmotte"
Santon de Jean-Louis Lagnel (1764-1822)